Avant de se plonger dans la documentation elle-même, précisons que pour décrire les provenances, il convient de s’intéresser à 4 aspects indissociables :

  • Le possesseur (autorités personnes physiques ou morales)
  • La description de la marque, en précisant son emplacement
  • La description du document porteur de la marque
  • La fourniture d’une image de la marque, en détail, mais également dans son contexte

Cette réflexion concerne la description des marques présentes tant dans les imprimés que les manuscrits.

L’angle d’approche proposé est lié à la démarche du catalogueur, puisque en tant que bibliothécaires c’est prioritairement par ce biais que nous sommes confrontés aux provenances lors du signalement de nos collections.

Il convient par ailleurs de garder à l'esprit que l'objectif de ce travail de signalement est, autant que la valorisation des collections, la possibilité d'enrichir les axes de recherches en décrivant les relations, notamment entre possesseurs (voir quelques exemples de relations).

 

1. Le possesseur

1.1. Définitions

Quelques définitions, même un peu formelles, sont nécessaires pour éviter les confusions :

  • Possesseur : Personne physique ou morale qui possède un ouvrage à un moment donné
  • Possesseur non identifié : Personne physique ou morale qui n’a pu être identifiée ni par des éléments d’indice de possession présents sur et/ou dans l’ouvrage, ni par des éléments d’information externes
  • Dédicataire : Personne physique ou morale destinataire d’une dédicace
  • Commanditaire : Personne physique ou morale ayant commandé et financé tout ou partie d’un ouvrage
  • Destinataire : Personne physique ou morale recevant un ouvrage à titre gracieux, sans pour autant être dédicataire. Cela peut être lié à un envoi ou à un ex-dono. Le possesseur à l'origine de l'envoi n'est pas nécessairement déterminé
  • Donateur : Personne physique ou morale faisant don d’un ouvrage à une autre personne physique ou morale

Il est donc important de garder à l'esprit qu'une marque, notamment armoriée, n'est pas nécessairement une marque de possession.

 

1.2. Accès

Dans tous les cas, lorsqu'une marque laissée par un possesseur est repérée dans un document, il convient de créer un accès au nom de ce dernier dans la notice bibliographique.

Cette entrée doit être dans la mesure du possible normalisée, et indexée :

  • Chaque établissement peut proposer de normaliser les saisies des noms de ses possesseurs les plus fréquemment rencontrés dans ses collections, ainsi que celles des formulations utilisées, pour les champs en texte libre dans la notice bibliographique (champ 317 pour les imprimés, balises <acqinfo> propriétaire précédent, <custodhist> provenance, sauf producteur (archives) ou institution de conservation, <origination> producteur (archives), <physfacet> attributs reliure, décoration (à distinguer de l’illustration) ou <unitid> ancienne cote, pour les manuscrits). Il s'agit de concevoir une liste, avec par exemple, dans le cas d’un ex-libris manuscrit : forme du nom, citation de la mention, et forme d’autorité retenue. L'objectif serait de faciliter le travail des catalogueurs et d'harmoniser déjà au sein de l'établissement la saisie des informations rencontrées, en attendant que la bibliothèque puisse créer ou récupérer les notices d'autorités concernées.
  • Le nom indiqué en accès (champs 702 personne physique ou 712 collectivité en Unimarc) dans la notice bibliographique doit être suivi du code de fonction (390 : "ancien possesseur" ou "propriétaire précédent", selon l'univers de catalogage).
  • Quant aux notices d’autorité, les besoins et règles de création ne sont évidemment pas les mêmes si la bibliothèque relève du réseau de catalogage de l’Abes, ou si l’on travaille dans une bibliothèque de collectivité territoriale ou privée. Dans ce dernier cas, on ne peut que conseiller de consulter des répertoires nationaux pour importer ou copier la notice, en conservant ses identifiants.
  • Attention, l'indexation auteur n'est pas une indexation sujet (RAMEAU)

Il est souhaitable de se référer aux répertoires ou sites suivants :

Il est vivement recommandé de créer des notices dès lors que nous avons un minimum d’informations, selon les normes en vigueur, dans le cas où la notice n'existerait pas encore.

Pour l'élaboration de toute notice d'autorité, il faut consulter les fichiers d'autorités BnF ainsi que le Manuel UNIMARC Format des notices d’Autorités : deuxième édition revue et augmentée / traduction française par le Comité français Unimarc. Paris : Bibliothèque nationale de France, 2004.

Pour élaborer les vedettes des collectivités rencontrées dans les marques de provenance, il faut consulter la norme NF Z 44-060 : Catalogue d’auteurs et d’anonymes : forme et structure des vedettes des collectivités-auteurs  (décembre 1996), en particulier pour les collectivités religieuses.

Exemples :

  • Séminaire des Carmes (Paris)
  • Abbaye de Saint-Pierre (Solesmes, Sarthe)
  • Monastery of the Visitation (Walmer, GB)
  • Franziskanerkloster (Fribourg-en-Brisgau, Allemagne)

Si plusieurs couvents ont des appelations similaires, il faut inclure leur nom distinctif (BnF) :

  • Couvent des Ursulines du faubourg Saint-Jacques (Paris)
  • Couvent des Dominicaines de Saint-Jacques (Paris)
  • Couvent des Carmes déchaussés de Saint-André (Lyon)
  • Couvent de la Visitation de Sainte-Marie de Bellecour (Lyon)
  • Couvent de la Visitation de Sainte-Marie de l’Antiquaille (Lyon)
  • Couvent de la Visitation de Sainte-Marie-des-Chaînes (Lyon)

Notez qu'il est possible de retrouver facilement le corpus des collectivités religieuses (CORELI) dans le catalogue BnF en cliquant sur Autorités BnF, et en mettant dans la Recherche par mots, à "Toute la notice" : CORELI. Toutes les notices disponibles apparaîtront.

Une notice d'autorité de possesseur doit idéalement comprendre, en plus des éléments cités par la norme et le manuel UNIMARC :

  • Des dates de vie ou a minima une date d'activité
  • Une seconde note (300), qui peut commencer par : "Ancien possesseur", et qui donnera la description de la marque de provenance, et le cas échéant quelques informations sur l'histoire de la bibliothèque du possesseur. En effet, il faut concevoir cette notice comme un réservoir d'informations, qu'on ne trouvera pas ailleurs, et non seulement comme un outil de distinction d'homonymie, comme c'est le cas pour n'importe quelle notice d'autorité.
  • Les champs 810 (source) et 815 (sources consultées en vain), afin d'éviter aux collègues de refaire le même travail de recherche.

1.3. Cas des possesseurs non identifiés :

Les possesseurs non identifiés doivent être signalés, que ce soit lu ou non. Dans ce cas, utiliser la formule : « ex-libris illisible »,

Il convient dans le même esprit d’indiquer la présence d’annotations, que leur auteur ait pu être identifié ou non.

Il existe sur le web des possibilités pour soumettre et partager ses questions :

1.4. Histoire du document :

Précisons ici qu'il est toujours utile de faire les liens entre les possesseurs successifs, ou, si l'on ne peut faire d'hypothèses ou avancer des certitudes, de relever les marques et les noms, si possible dans l'ordre chronologique (dans les zones de notes, puis dans les accès).

 

2. La description de la marque

Idéalement associée à un nom de possesseur, la marque doit être décrite aussi précisément que possible, surtout si l’on ne peut pas en donner une image.

Quatre aspects sont à évoquer : le type de marque, la date (ou période) de la marque, sa description détaillée, et, le cas échéant, la provenance géographique.

2.1. Typologie

Tout d'abord, associé au nom du possesseur, le type de marque doit être précisé. Voir la typologie proposée.

2.2. Datation

Il est parfois difficile de dater une marque lorsque le possesseur n'a pas inscrit de date lui-même. Il est cependant conseillé de donner au moins une période (siècle).

2.3. Détail de la description

2.3.1. Libellé, forme, motifs

  • Il est conseillé de reporter le texte de la marque in extenso. Il est mis entre guillemets. Toute coupe est signalée entre crochets. Les abréviations peuvent être développées entre crochets.

Certaines expressions peuvent être rencontrées plus ou moins fréquemment parmi les ex-libris manuscrits, dont voici les exemples les plus courants.

  • Le contenu de la marque doit être décrit avec soin : armoiries, titulature, signature, chiffre, monogramme, initiale(s), devise, citation, emblème, allégorie, paysage, décor, objet, animaux, signe astral, portrait, lieu, anagramme… Ces représentations et les textes qui peuvent les accompagner apportent à la marque une touche personnelle, qui reflète l’identité de son propriétaire, un trait de son caractère ou de son existence, ses origines, ses passions, son métier sans toujours mentionner son nom.
  • Une marque peut être rectangulaire, ovale, ronde… Cette information mérite d’être relevée.
  • L’emploi de la couleur dans la composition de l’œuvre doit être signalé, au même titre que celui d’un papier de couleur. A titre d’exemple, la gravure peut être exécutée en couleur ou coloriée a posteriori.
  • Le nom du graveur d'un ex-libris, s’il est inscrit, peut être relevé. La consultation du Dictionnaire des dessinateurs et graveurs d'ex-libris français de Jacques-Charles Wiggishoff ou du Dictionnaire critique et documentaire des peintres sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps… d'Emmanuel Bénézit pourra apporter les renseignements utiles sur son activité.

Pour ceux qui veulent aller plus loin, pour la vignette imprimée ou gravée, on peut indiquer :

  • si elle est à claire-voie ou pas, à savoir sans délimitation graphique. A partir du XVIIIe siècle, elles sont de plus en plus souvent cernées par un filet simple, double, triple ou entourées d’un cadre ;
  • les dimensions de l'ex-libris. Dans ce cas, étant assimilé aux estampes, on doit décrire un ex-libris en énonçant sa hauteur puis sa largeur (évaluées en mm) ; la mesure est prise au filet ou sur le bord extérieur quand il y en a un, ou aux extrémités du graphisme s'il n'y a pas de filet ou de cadre.

Une image permet de se passer de ces éléments (cf. le point 4. en ce qui concerne les recommandations relatives à la prise de vue).

2.3.2. Technique et matière

La technique ayant servi à produire la marque doit être signalée : la marque peut être dorée, estampée à froid, peinte, dessinée, manuscrite, gravée, imprimée, au pochoir...

La matière utilisée comme support de la marque doit être identifiée : cuir (préciser la nature, comme pour la description d'une reliure), parchemin, papier, tissu, pièce métallique… Toutefois la matière peut être considérée comme implicite quand il s'agit d'un ex-libris dont le support est majoritairement le papier ou quand elle figure dans l'intitulé même de la marque (ex. : ex-libris sur cuir).

2.3.3. Emplacement

Il faut indiquer l’emplacement de la marque : plat supérieur ou inférieur, dos, contreplat supérieur ou inférieur, page de garde, page de faux-titre ou de titre, fermoirs. Il convient de ne pas omettre les tranches sur lesquelles une inscription manuscrite, des armes peintes, un cachet peuvent être posés. La marque peut également être présentée sous l’imprimatur, le colophon ou dans le corps d'ouvrage. Un ex-libris gravé ou imprimé peut également avoir été fixé sur la couvrure d’un volume.

 

Ces informations intègrent en Unimarc le champ 317, se référer aux Extraits du Manuel de catalogage informatisé des livres anciens, version provisoire.

Pour le choix des balises concernant les mentions de provenance dans les instruments de recherche encodés en EAD, se référer au document réalisé par Jérôme Sirdey.

 

2.4. Provenance géographique

Voir 3. ci-dessous, description du document.

 

3. La description du document

Décrire le document portant la ou les marques de possession peut paraître évident, étant donné que les informations de provenances sont principalement produites lors du catalogage au moment où nous décrivons les données dites d’exemplaire. C'est pourant une nécessité de le rappeler : le possesseur et sa marque ne peuvent être dissociés du document qui a permis de les révéler.

L'origine géographique du document peut être relevée :

  • Le lieu de publication (champ 620)
  • La typologie évoque dans sa dernière partie, consacrée aux provenances déduites, les cas de provenances géographiques. Il peut s'agir des techniques de fabrication des reliures. Ces informations seront relevées par les collègues experts en la matière. Pour les imprimés, la champ 621, lieu et date de provenance, permet de renseigner ces informations (le champ E621 est désormais utilisable dans le Sudoc).

 

4. Les images de la marque

Il n’est pas évident d’illustrer nos traditionnels catalogues. Cependant, le rôle des images de marque est inestimable. Le CERL a lancé une réflexion concernant l’indexation des images, et envisage ainsi de définir les métadonnées indispensables (cf. Workshop du 17 septembre 2014 à Anvers impliquant les chercheurs présents).

Quand bien même il ne serait pas possible de faire un lien d'une image à la notice bibliographique, - laquelle intègre au moins une description en texte libre -, il est indispensable de prendre d’emblée une photographie de la marque, à conserver pour un usage interne à la bibliothèque :

  • vue d’ensemble (tout le plat, toute la page), pour situer la marque dans son contexte,
  • le détail de la marque,
  • les marques des possesseurs prises dans une même vue le cas échéant.

Ces recommandations ne comptent pas se substituer aux bonnes pratiques déjà éditées sur différents sites en termes de numérisation, mais rappelons que le nommage doit être clairement organisé, qu’une échelle (règle graduée) est souhaitée. Les établissements ont d’ailleurs souvent mis en place une nomenclature lors de campagnes de numérisation.

Il convient également d’être vigilant quant à la définition (dpi) et aux formats (consultation, conservation) choisis.

Il peut être imaginé de faire le lien depuis son catalogue vers un serveur où l’ensemble des images serait stocké.

Certaines bibliothèques proposent des solutions intermédiaires, comme l'utilisation de flickr :

Exemple d'une notice du catalogue de la médiathèque protestante de Strasbourg

et de l'image sur leur compte flickr.

Flickr est utilisé également pour diffuser les images de marques non identifiées :

 

Pour les recommandations sur les procédures de numérisation, consultez :


Les pages suivantes donnent accès à la documentation élaborée :